Il ne fait aucun doute de nos jours, que la transversalité de la recherche scientifique et de l’innovation sur tous les autres secteurs de développement (fut-il rural ou urbain), fait d’elle, le levier du développement durable au service des décideurs politiques. La maîtrise de la science, de la technologie et de l’innovation n’ont jamais eu autant d’impact sur le développement économique, social et culturel du monde, que dans ce millénaire. Des pays tels la Corée, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, ont connu un développement spectaculaire grâce à l’avancée de la science, de la technologie et de l’innovation. Cependant, malgré ce rôle décisif qu’elles sont appelées à jouer pour asseoir les décisions et les politiques relatives au développement durable des nations sur des bases solides, réalistes, convaincantes et rassurantes, la recherche scientifique et l’innovation semblent être le parent pauvre du développement dans la majorité des pays africains et au Burkina Faso en particulier.
Au Burkina Faso, la recherche a évolué dans un environnement marqué par une croissance démographique soutenue et un effort budgétaire relativement faible. En effet, selon une récente étude de la Banque mondiale (2013), le Burkina Faso est l’un des pays d’Afrique sub-saharienne qui consacre le moins de moyens à la recherche en agriculture par exemple (secteur dominant), avec environ 0,50 USD par habitant et par an.
Ce pourcentage est très loin de l’objectif de 1% du PIB que chaque pays africain devrait investir dans le secteur, conformément à la Décision de Khartoum sur la Science et la Technologie approuvée par le Conseil Exécutif de l’Union Africaine en 2006.
En dehors du Togo (0,07%), le Burkina Faso est devancé par de nombreux pays africains qui financent mieux la recherche dont le Malawi (1,70% du PIB en 2007), l’Ouganda (1,10%), l’Afrique du Sud (1,05%), le Kenya et le Sénégal (0,48%), le Gabon (0,47%), le Ghana (0,38%), etc. Quoique la recherche scientifique et technologique s’y exécute depuis plus d’un demi-siècle, les structures nationales de recherche scientifique du Burkina mènent leurs activités de recherche en s’appuyant sur les financements à majorité extérieurs. La subvention de l’Etat permet la prise en charge salariale du personnel, le fonctionnement courant des structures, l’équipement et/ou l’investissement et de mener un minimum d’activités de recherche. A titre d’exemple, selon une étude récente (Banque mondiale 2013), le rapport des allocations budgétaires annuelles du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST), sur les valeurs respectives du PIB sur la période 2002-2012, il ressort que la dépense publique, pour le secteur, reste plus ou moins constante à un taux d’environ 0,1% du PIB.
Le parent pauvre du développement rural en Afrique
Selon une étude réalisée par ASTI et INERA en 2010, citée par la Banque Mondiale (2013), au cours de la période 2004-2011, les dépenses publiques accordées à la recherche-développement (R&D) agricole ont été en moyenne de 4,1 milliards FCFA par an, dont 75% pour l’INERA et 25% pour l’IRSAT et le CNSF. Une désagrégation des allocations budgétaires du CNRST sur la période 2002-2012 montre que la part moyenne des dotations allouées effectivement aux activités de recherche n’est que de 7% contre 70% pour les salaires. Depuis la fin en 2004, du Projet National de Développement du Secteur Agricole (PNDSA II) financé par la Banque mondiale, les dépenses publiques en R&D agricole ont chuté d’environ 50% (passant de 6,1 milliards FCFA en 2004 à 3,6 milliards FCFA en 2005).
Cette chute s’est poursuivie jusqu’en 2008, suivie d’une période de reprise enclenchée à partir de 2009, qui s’explique par un dynamisme accru des chercheurs, dans la recherche de partenariats, se traduisant par le financement de projets de recherche par des bailleurs bilatéraux et multilatéraux et la signature de conventions. En dehors du faible niveau de financement de la recherche -développement, la valorisation des résultats de la recherche scientifique, de l’invention et de l’innovation est restée faible sur la période. Pourtant, de nombreux résultats ont été générés par les structures de recherche et les inventeurs au cours des dernières décennies. Peu connus des populations et faiblement valorisés ou adoptés, leurs impacts sur le développement socio-économique est très mitigé.
La création du MRSI, expression d’une souveraineté
Ces différents facteurs ralentissent le développement du secteur de la recherche scientifique et son impact attendu sur les secteurs productifs. La consécration d’un ministère à la recherche scientifique et à l’innovation témoigne de la volonté politique des autorités de faire jouer entièrement à la recherche son rôle de soutien au développement socio-économique du pays, à travers notamment la transformation des secteurs productifs. Aussi, dans le but d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), la nouvelle stratégie de développement du pays décrite dans la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD), met-elle un accent particulier sur la recherche scientifique, technologique et l’innovation, comme levier indispensable pour le développement du pays. Ainsi, le Ministère de la recherche scientifique et de l’innovation a t-il pour mission principale la conception, la mise en œuvre et le suivi de la politique du Gouvernement en matière de recherche et d’innovation au service du développement économique et social du Burkina Faso. Depuis sa création, le ministère s’est doté des documents essentiels de sa politique sectorielle dont la Politique nationale de la recherche scientifique et technologique, la loi d’orientation, la Stratégie nationale de valorisation des technologies, inventions et innovations, etc., qui ont été adoptés en conseils des Ministres. Sur la base de ses attributions, de la politique et les plans d’action sectoriels du MRSI et dans le souci d’affirmer sa souveraineté dans le domaine de la recherche scientifique et de l’innovation (tout en restant ouvert au reste du monde), l’Etat Burkinabè a, d’une part, créé un Fonds national de recherche et de l’innovation pour le développement et d’autre part, doté le MSRI de la somme d’un milliard de nos francs, au titre de l’année 2013, pour financer la mise en œuvre de son programme prioritaire (PIP). C’est dans ce cadre que des projets de recherche ont été financés et des ateliers visant à valoriser des produits locaux et les résultats de la recherche, de l’invention et de l’innovation, ont déjà été réalisés dans différentes zones du pays. Les financements desdits projets sont en cours de déblocage au profit des groupes d’acteurs promoteurs des différentes chaînes de valeurs y afférentes, pour la mise en œuvre des actions et activités identifiées par eux. Six(6) filières ont été retenues pour leur intérêt évident. Il s’agit du souchet, du kénaf, du tournesol, du fonio, du sésame et des blocs multi nutritionnels, et un autre projet sur l’énergie solaire est aussi retenu pour sa pertinence. Voici un geste à saluer vivement. Il revient à présent aux acteurs de la recherche de donner la preuve que si le domaine est soutenu, il peut effectivement impacter positivement les secteurs productifs et mieux contribuer au développement socio-économique du pays.
MINISTERE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DE L’INNOVATION