Chronique du gouvernement du 25 juillet 2012
Valorisation des arts et de la culture dans le système éducatif
Au Burkina Faso, le système de l’éducation formelle s’articule autour des ordres d’enseignements suivants : le Préscolaire, le Primaire, le Post-primaire, le Secondaire et le Supérieur. Dans un pays où la scolarisation des enfants de 15 ans est rendue obligatoire depuis l’indépendance, le Gouvernement déploie d’énormes efforts pour faciliter l’accès de tous à l’école. Au primaire, la mise en œuvre de projets tels le Plan Décennal de Développement de l’Enseignement de Base (PDDEB) a sensiblement augmenté l’offre éducative. Au secondaire, le Projet Education Post-Primaire phase I et II a contribué à doter chaque département d’un collège d’enseignement secondaire. Le souci de donner une formation holistique aux apprenants a conduit l’Etat à prendre une disposition dans la Loi d’orientation de l’éducation (confère art 13 de la loi de 1996) en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Mais la mise en œuvre de cette disposition reste encore du domaine du non formel.
Les arts et la culture dans le système éducatif burkinabè
La naissance des structures de gestion comme la direction des sports, de la culture et des loisirs de l’enseignement de base (DSCLEB) au ministère de l’éducation nationale ou la direction de l’éducation artistique, culturelle et environnementale (DEACE) au ministère des enseignements secondaire et supérieur sans que l’objectif de formalisation sont sans équivoque. Seules les écoles bilingues du primaire, au nombre de 150, prennent à cœur l’enseignement des valeurs artistiques et culturelles. Les 11395 écoles classiques consacrent moins de 20% du temps hebdomadaire à l’enseignement des arts et de la culture à travers la récitation, le chant, le dessin. Au secondaire, l’art et la culture sont spécifiquement enseignés dans les trois (03) collèges multilingues spécifiques, les mille cinq cent soixante quinze (1575) établissements d’enseignement secondaire classiques facilitent seulement les activités culturelles des élèves. Au niveau supérieur, les universités et écoles de formation consacrent également très peu de temps à l’éducation artistique et culturelle.
Pourtant le secteur de la culture, qui a traversé de grands passages à vide a néanmoins engrangé des acquis qui font la renommée du Burkina Faso. Des festivals comme les classes d’art, le PMSEP, le FNAS, le CAPO, le FNAS, le DOREMI, le CASEO, etc. ont permis de créer des pépinières d’artistes en herbe et de consolider l’éducation artistique à l’école. On peut affirmer que, grâce en partie à ces enseignements de type informel, le Burkina Faso dispose aujourd’hui d’un socle solide pour l’émergence d’industries culturelles dans tous les domaines, pour l’affirmation des identités et la diversité des expressions culturelles, et pour la revitalisation du patrimoine culturel. Cependant, l’institut National de formation Artistique et Culturelle (INAFAC), une école de formation qui a vu le jour en 1980 tente d’assurer l’enseignement artistique pour le compte du secteur public. Dans ce contexte, l’apport du privé est aussi à considérer avec ses structures d’accueil (ISIS, IMAGINE, ATB, CITO, Gambidi, EDIT).
Les expressions artistiques et culturelles dans la société burkinabè
La société traditionnelle est le moteur par excellence de la culture burkinabè. Elle entretient et développe les nombreuses institutions qu’elle a créées depuis des millénaires à travers des pratiques rituelles, des cérémonies, des us et coutumes selon des normes qui leur confèrent des valeurs éthiques ou religieuses. Les expressions artistiques et culturelles s’observent dans les manifestations comme l’initiation, le mariage, les cultes à la terre et aux ancêtres, les arts aratoires, culinaires, oratoires, l’artisanat de la vannerie, poterie, forge, l’architecture, la sculpture, la peinture, la teinture, l’architecture, etc. Le fait que le Burkina Faso soit un pays de diversité culturelle avec une soixantaine d’ethnies représente une opportunité d’enrichissement du répertoire des expressions artistiques et culturelles et des valeurs culturelles de référence susceptibles d’être enseignées.
La société moderne burkinabè s’enrichit des expressions traditionnelles et de celles des autres peuples du monde. Ainsi peut-on noter l’adoption des divers arts venus de l’Occident comme le dessin, la littérature, le théâtre. La peinture, la sculpture, la musique, la danse, le chant, l’architecture sont pratiqués sous des formes ou des genres nouveaux et avec des instruments modernes. La création de la Semaine Nationale de la Culture dont la première édition s’est déroulée à Ouagadougou, en décembre 1983, a révélé de nombreux talents artistiques dans tous ces domaines, on assiste aujourd’hui à une véritable appropriation de toutes ces expressions par la population dans les villes et les campagnes du Burkina Faso, parfois au détriment des pratiques traditionnelles.
Cette tendance considérée comme une menace pour l’identité culturelle burkinabè, reste une préoccupation permanente pour la société civile burkinabè qui joue un rôle d’alerte et ne cesse d’interpeller les gouvernements et l’opinion publique sur cet état des faits. La première manifestation de la société civile date des années 1960 avec l’Association Voltaïque pour la Culture Africaine (AVCA) et le Cercle des Activités Littéraires et Artistiques de la Haute-Volta (CALAHV). La vision de l’époque était de promouvoir la culture locale et de défendre le patrimoine culturel. Même si ce souci reste d’actualité, de nouveaux enjeux comme la promotion du statut de l’artiste, la professionnalisation des artistes et la consolidation du potentiel économique et social de la culture pour en faire un véritable pilier du développement s’affichent progressivement comme des préoccupations majeures.
L’élaboration d’une stratégie de valorisation des arts et de la culture dans le système éducatif burkinabè jouit d’atouts incontestables mais aussi de certaines contraintes qu’il y a lieu de lever.
Sur le plan législatif et réglementaire, d’énormes efforts ont été déployés par l’Etat pour la promotion de la culture. Il s’agit notamment des différentes rencontres sur l’enseignement artistique et culturel qui ont abouti à la prise en compte de cette préoccupation dans la Loi d’orientation de l’éducation et dans la Politique nationale de la culture. La récente inscription de la culture comme un axe prioritaire aux côtés de l’éducation dans la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD) a galvanisé les opérateurs culturels qui se convainquent désormais d’approcher ainsi le bout du tunnel. S’agissant des ressources, le gouvernement inscrit annuellement dans le budget de l’Etat, au profit des structures centrales, déconcentrées et décentralisées des lignes budgétaires allouées à l’éducation, au soutien à la création artistique et aux manifestations culturelles ainsi qu’à l’enseignement artistique. Il y a lieu également de noter l’existence d’infrastructures scolaires et culturelles réalisées sur l’ensemble du territoire national ainsi que la présence d’un parterre de professionnels expérimentés qui pourront contribuer à la formation artistique. Des sites culturels inscrits sur la liste du patrimoine national font l’objet d’une attention particulière des autorités chargées de ce secteur. Au niveau opérationnel, l’expérience menée avec les écoles pilotes d’enseignement artistique et culturel au primaire et au secondaire ainsi que l’engouement des élèves confortent l’idée qu’une stratégie de valorisation de ces disciplines dans l’enseignement peut être viable. L’État, du reste, a mis en place un système de formation des enseignants ouvert à l’éducation artistique et culturelle. Un emploi du temps incluant des tranches horaires pour l’enseignement des arts à l’école primaire a été également instauré. À l’échelle internationale, le Burkina Faso jouit d’une réputation positive en matière culturelle. Cela est en partie dû aux importants investissements réalisés dans la formation mais aussi à l’expertise des artistes burkinabè régulièrement sollicités sur le plan régional et international pour bâtir des politiques ou des stratégies de développement culturel. Leurs œuvres et leurs créations commencent à s’imposer sur la scène internationale comme des produits culturels de qualité qui alimentent tant les galeries, foires ou salons d’exposition que les chaînes et sites de télévision traditionnelle et numérique.
Tous ces atouts, qui constituent une base pour l’introduction des modules culturels dans l’enseignement, ne sauraient occulter les difficultés auxquelles le secteur est confronté. Une des faiblesses fondamentales du système éducatif burkinabè réside dans sa complexité structurelle qui ne permet pas de former l’être de manière holistique. Certains acteurs de l’éducation ont encore du mal à cerner l’importance de la culture dans l’épanouissement de l’enfant reléguant ainsi ce secteur au second degré. Pour l’opinion publique, on devient artiste après avoir épuisé toutes les voies de réussite dans le système administratif, ce qui conduit à une folklorisation de certaines expressions culturelles et au retard constaté dans l’adoption du statut de l’artiste. En matière des ressources, on observe une faible dotation des moyens financiers et une disparité des allocations. Les infrastructures, en nombre insuffisant, sont pour la plupart délabrées, ce qui rend parfois difficile la traduction en actes concrets des décisions politiques. Il n’existe pas de politique tendant à étendre les écoles et les instituts de formation à tous les niveaux du territoire national. Toutes les structures de formations publiques et privées sont concentrées à Ouagadougou et dans une moindre mesure à Bobo-Dioulasso. Sur le plan opérationnel, le manque de formation des formateurs reste le goulot d’étranglement le plus patent. On notera que là où un effort de prise en compte des matières artistiques et culturelles est perceptible, aucune évaluation des connaissances et des performances n’est réalisée. Par ailleurs, les langues nationales, véhicules des valeurs culturelles, restent une matière facultative dans les différents ordres même si les Écoles Bilingues et Collèges Multilingues Spécifiques ont été promus au primaire et au secondaire. Un effort reste à faire pour leur généralisation au plan national. L’environnement économique et social du Burkina Faso ne rassure pas la jeunesse sur la pertinence et les perspectives qui s’ouvrent à elle en matière de débouchés. Bien souvent, on assiste à une folklorisation persistante des arts et de la culture et, partant, à une faible reconnaissance des artistes sur le plan social.
Fort de cette situation et convaincu que l’école est le lieu par excellence de transmission du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, l’endroit où naissent les vocations, l’Etat a décidé de mettre l’accent sur l’enseignement des arts et de la culture à l’école primaire et dans les collèges, lycées et universités. À cet effet, le Ministère de la Culture et du Tourisme et les ministères chargés de l’éducation, en collaboration avec l’UNESCO, à travers deux experts internationaux spécialistes en politiques culturelles, ont entrepris d’élaborer une Stratégie de valorisation des arts et de la culture dans le système éducatif burkinabè, formalisant ainsi les enseignements des arts et de la culture dans les différents ordres de l’éducation.
Trois axes ont été identifiés pour bâtir cette Stratégie. Le premier concerne le repositionnement de la culture dans le système éducatif pour un développement holistique des apprenants et vise d’abord à créer les conditions de la prise en compte des valeurs qui fondent l’identité culturelle et l’unité du pays. Ensuite il s’agira de faire découvrir aux élèves et étudiants les expressions artistiques et culturelles, traditionnelles et modernes, de leur société qui vont favoriser chez eux une meilleure connaissance et une prise de conscience des richesses de leur culture ; enfin à définir les programmes de l’éducation artistique et culturelle avec les acteurs de l’éducation et de la culture. Le deuxième axe porte sur la gouvernance de l’éducation artistique et culturelle et vise à mettre en œuvre les dispositions de la Loi d’orientation de l’éducation et de la Politique nationale de la culture relatives à l’éducation artistique et culturelle, à créer les instances et organes de coordination et d’exécution et de contrôle de la Stratégie, harmoniser les programmes des institutions publiques et privées de formation et définir les cadres de partenariat. Le troisième axe est relatif à la mobilisation des ressources. Il est question ici de renforcer les compétences des enseignants en matière d’éducation culturelle et artistique et de constituer une masse critique de formateurs et de professionnels spécialisés dans l’enseignement artistique et culturel.
Ministère de la Culture et du Tourisme